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Les aventures d’Isabelle dans la Drôme

Dimanche 15 avril 2018 :
Levée à l’aube (6h !), alors que toute ma petite famille dort encore, je prends mon p’tit déj discrètement avant de
m’éclipser sur le coup des 6h45 pour 30 minutes de route jusque Buis-Les-Baronnies, lieu de départ de la course. Il fait
froid (6°C…) mais le ciel est dégagé, gage d’une belle journée ensoleillée. La vue sur les reliefs environnants est
magnifique. Quel dépaysement ! Moi qui, il y seulement 24h, était en encore en Seine-et-Marne.
Entre 7h30 et 8h15, les départs des différentes distances de trail
s’enchaînent : le 41km d’abord puis le 32 puis le 23km. A 8h30, c’est
le départ du trail de 14km, dont nous partagerons le même parcours.
8h34, c’est bientôt à nous ! 65 concurrents sur l’épreuve de marche
nordique, dont 47 femmes. Sur la ligne de départ, cela ne se bouscule
pas pour la 1ère ligne. Alors, je m’y place, aux côtés de 5 marcheurs du
club de l’U.S.Cavaillon, qui semble être le club le plus représenté.
Cardio à 104 bpm et sans appréhension particulière. Il faut dire que
cette épreuve est un peu atypique par rapport à ce que j’ai vécu sur
les 2 précédentes manches du Championnat de France ! Ici, pas de
juges et les « avions » de la marche nordique ne sont pas là ;o)
8h35 : Et… GO, top départ ! Un virage très serré au démarrage. Je suis bien placée. Trois hommes du club de Cavaillon
me dépassent. Je m’accroche au 3ème et tiens le rythme car je sais que, rapidement, le tracé nous emmènera sur du
monotrace et qu’il sera compliqué de doubler.
Le 1er kilo est 100% bitume… revêtement que je n’apprécie guère. Au bout d’à peine 300m parcourus, la route prend
du dénivelé et nous quittons le plat… pour plusieurs kilomètres ! Le 1er marcheur creuse l’écart, le 2ème tente de le
suivre et je suis à la hauteur du 3ème concurrent. Le dénivelé s’intensifie progressivement et nous abordons les premiers
lacets. A la fin du 1er kilomètre, nous quittons le bitume pour aborder un chemin assez large en terre. Un rapide coup
d’oeil dans le rétroviseur me fait réaliser qu’il n’y a pas de concurrentes sérieuses chez les féminines. Donc je suis
première ! Un peu perdue dans ces pensées enthousiasmantes, je ne vois pas arriver un 4ème concurrent masculin qui
me double « tranquillement » avant d’aborder le monotrace. Je me colle à ses talons bien décidée à ne pas laisser
s’éloigner la perspective d’un podium au classement général ! Mais c’est sans compter sur le bouchon créé par les
traileurs de fond de grille qui sont partis seulement 5 minutes avant nous et que nous rattrapons déjà.
Au bout d’un kilomètre et demi, le dénivelé devient très raide, à plus de 10%. Les traileurs sont aux pas… Les marcheurs
nordiques dans les startings blocks ! Je reste au contact du 3ème et du 4ème concurrents au prix de quelques efforts
qui me font monter le cardio. Engluée dans le trafic, sur un parcours accidenté avec de nombreux lacets et sans
visibilité, il est difficile de placer un style de marche propre. Le rythme est également saccadé et je suis sans cesse à la
recherche de petits raccourcis car il est très difficile de doubler. Je me laisse cependant distancer et perds de vue mes
2 proches concurrents… Pas découragée pour autant, je m’attache à passer les retardataires un par un et le plus
proprement possible.
Au 4ème kilomètre, j’aperçois le 4ème concurrent à seulement une bonne vingtaine de mètres de moi ! Je pars à l’assaut
avec un cardio déjà élevé… à 167 bpm. Le sentier est étroit et escarpé mais, au prix de quelques pulsations
supplémentaires, je passe sans difficulté les 4 traileurs qui sont devant moi. Un rapide coup d’oeil au cardio m’indique
que je suis en zone rouge : 177 bpm. 9 pulsations de plus et je suis à ma fréquence maximum ! Il est temps que la
course-poursuite s’arrête. A 4 km et demis, je suis juste derrière le 4ème concurrent, bien décidée à ne plus le lâcher
d’une semelle. Les yeux rivés sur son sac à dos, je décide de le surnommer « Mr Oxsitis » (du nom de la marque de son
sac ;o). Le temps passe, la pente ne faiblit pas et mon cardio peine à diminuer : 171 bpm.
Au 5ème km, Mr Oxsitis, sentant que je commence à klaxonner derrière lui, me propose alors de lui passer devant. Je
saisis l’occasion en le remerciant au passage. Encore 1 km de montée, toujours aussi raide. J’essaie de garder le rythme
et je me sens plutôt bien malgré des pulsations qui ne faiblissent pas.
6ème km : nous sommes au point culminant du parcours, à 1020m
d’altitude. S’amorce alors une longue descente en lacets au milieu
d’une végétation typiquement provençale (thym, genêts, petits
chênes, oliviers). Je me fais rapidement doubler par les traileurs
attardés qui me repassent à bonne allure. Moment de frustration d’une
marcheuse nordique… surtout ne pas courir ! Pour ne pas céder à la
tentation, je lève les yeux sur le paysage environnant : la vue est
magnifique ! En toile de fond, le Mont Ventoux enneigé. Un peu plusloin, à l’ouest, on aperçoit les dentelles de Montmirail. Quelle chance
d’être ici ! Grisée par ce sentiment de liberté, mon esprit s’évade… Un
rapide coup d’oeil au cardio qui m’indique que je suis au 7ème km. Déjà
la mi-course et je me sens en pleine forme ! Que du bonheur !
Mais… mais… que n’ai-je pas pensé ! Une fraction de seconde plus tard, mon pied droit se tord, j’entends un « craaac »
et ressens une violente douleur à la cheville droite ! J’en perds l’équilibre ! Rattrapée par mes bâtons, j’évite la chute.
Mais, c’était quoi ça ?! Moi, qui n’ai jamais eu de souci de ce genre, je ne comprends pas.
Mr Oxsitis, qui n’était pas loin, s’arrête immédiatement et me demande ce qui m’arrive. Je suis « bloquée », impossible
de parler. J’essaie de poser le pied par terre mais la douleur est vive. Il me demande s’il peut prévenir quelqu’un (nous
sommes dans un endroit isolé et il n’y a pas d’assistance prévue sur le parcours). Je n’arrive pas à lui répondre. Les
idées se bousculent dans ma tête. Il me demande mon numéro de téléphone mais je lui réponds : « ne vous inquiétez
pas, je vais continuer, ça va aller ». Il repart et… j’essaie de le suivre ! D’abord « à 3 pattes », en boîtant, aidée par mes
bâtons. Je ne peux concevoir de m’arrêter ainsi. Rapidement, je remets mon pied droit par terre et je tente de marcher.
La douleur est moins intense et, au fur et à mesure que j’avance, j’ai l’impression que ça va « mieux ». Intimement
convaincue que je peux continuer, je poursuis mon chemin. L’écart se creuse avec Mr Oxsitis mais le principal est de
pouvoir marcher à nouveau.
La descente se poursuit, un peu moins raide à présent. Les kilomètres s’enchaînent et ma douleur disparaît… Curieux,
non ?!
Au 9ème kilomètre, sur un large sentier forestier, je retrouve Mr Oxsitis et me porte à sa hauteur pour échanger
quelques mots avec lui. C’est un homme d’une bonne cinquantaine d’années, au physique très élancé, très
sympathique. Il me demande comment va ma cheville et je lui dis que ça va mieux. Il pensait que j’avais eu un claquage
ou une déchirure au mollet. Mais cela ne semble pas être le cas car je serai bien incapable de marcher sinon ! Nous
parlons de choses et d’autres. La conversation se faisant, il me confie être venu sur cette épreuve pour se tester. Il est
le meilleur de son club et n’a pas trop de repères si ce niveau est bon par rapport à d’autres. Du coup, il a fait un peu
de route pour venir puisqu’il habite du côté de Valence. De mon côté, je lui raconte l’ambiance des courses du
Championnat de France ;o)
Au 10ème kilomètre, ça remonte. Je me sens en bonne forme et prête à accélérer, d’autant que nous rattrapons à
nouveau des traileurs attardés. Mais je me sens gênée vis-à-vis de Mr Oxsitis qui m’a si gentiment attendue quand
j’étais en difficulté. Alors, je reste à ses côtés. Mais, il a senti la chose et il me dit : « si tu veux accélérer, vas-y ». Je lui
réponds que cela me gêne un peu. Il insiste, alors j’y vais en lui souhaitant bon courage et à bientôt. Je marche d’un
bon pas, plus à l’aise avec mes bâtons depuis que nous sommes sur un sentier plus large. Je remonte des traileuses
qui sont impressionnées par le rythme que je tiens en marche nordique. Pour un peu, elles seraient prêtes à me piquer
les bâtons !
A un croisement stratégique, j’aperçois 2 personnes de l’organisation. L’une d’entre elle s’écrie : « Tiens, c’est la
première féminine de marche nordique ! » Eh oui, c’est moi ! Et je l’avoue, j’en suis fière.
Nous abordons ensuite une nouvelle partie sur du monotrace. J’arrive à doubler facilement quelques traileurs et tente
d’apercevoir au loin le 3ème concurrent. Mais aussi loin que mon regard se porte, je ne distingue pas l’ombre d’un
maillot du club de Cavaillon. Je m’attache donc à maintenir ma 4ème place au classement général. A 2 km de l’arrivée,
nous replongeons dans la vallée de Buis-les-Baronnies en traversant un grand champ d’oliviers. Il fait beau et la douce
chaleur qui règne ici, associée aux odeurs de thym, nous rappelle que nous sommes dans le sud de la France. Il ne
manque que le chant des cigales ! En tout cas, je me sens très bien et je suis très heureuse d’être ici.
Et voici venu le dernier km. Nous retrouvons du bitume. A l’oreille je n’entends pas d’autre bruit de bâtons que les
miens et j’en conclus que Mr Oxsitis est assez loin derrière moi. J’essaie de mettre du rythme, plus par fierté que par
nécessité. Et c’est à ce moment précis que ma cheville droite vient se rappeler à mon bon souvenir ! Pour un peu, je
l’aurais presque oubliée… Mais, à présent, si près du but, cette douleur n’a aucune importance et je peux la gérer.
Un dernier virage et me voici sur le pont qui traverse l’Ouvèze. Plus que 50 mètres et c’est l’arrivée… que je passe
après 2h25 d’effort. Et je termine ainsi 1ère féminine et 4ème au scratch, yesss ;o)
Et pour finir ce récit, la petite anecdote : à mon grand désespoir, il n’y aura pas de podium pour l’épreuve de marche
nordique. Les 4 épreuves de trail tenant la vedette de ce dimanche. En lot de consolation, je gagne… une paire de
béquilles et une belle entorse de la cheville droite avec 3 semaines sans poser le pied par terre ! Gageons que je
n’oublierai pas de si tôt ce rendez-vous sportif provençal !

Comment(1)

  1. Reply
    Poveda-Brisson says

    Coucou chère Isabelle !
    Voilà un superbe récit ! merci de m’avoir fait vibrer au rythme de ton épreuve de marche nordique !
    Bravo, bravo !
    Maintenant il faut que tu te reposes sur tes lauriers, garde le moral ! Azimut est avec toi
    Bises Isabelle et à très vite (pas trop…….) quand tu seras prête !!

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